(2005-2008) « LA MOUSTIQUAIRE »

J’ai parcouru tout le Mali avec ma moustiquaire que j’accroche un peu partout au gré du vent et de son inspiration, jusqu’à ce que quelques curieux viennent se prendre dans mes filets. Alors, sans plus d’explication aux questions qui tombent comme la pluie, j’invite ceux qui le désirent à se glisser tels quels sous le rideau transparent de son petit chapiteau ambulant. Seuls ou en groupe, ou en parures traditionnelles, enfants jeunes ou vieux jouent le jeu et prennent place, qui avec son âne ou son mouton, qui sa marchandise sur la tête ou sa bicyclette à la main. Juste le temps d’une pose photographique durant laquelle, à la fois déstabilisé et désinhibé par ce voile qui le protège en partie du regard de l’autre, chacun redevient finalement lui-même sans avoir le temps d’endosser un rôle. Utilisant ma moustiquaire comme une poursuite de théâtre, j’isole ainsi les différents personnages de la rue et dresse petit à petit une galerie de portraits de la société malienne.

« À travers ce travail, j’ai voulu attirer l’attention sur l’aspect fragile de la vie, mais sous le voile, j’essaie aussi de capturer la réalité, ma réalité personnelle, de présenter mon autre monde à moi ». Au carrefour du jeu et de la performance, de la sculpture et de la mise en scène, en détournant un accessoire du quotidien à des fins artistiques, j’essaye de m’inscrit à la fois dans la lignée des plus célèbres portraitistes de son pays, et dans les réflexions de l’art le plus contemporain. Ouvert aux enseignements et aux champs d’expérimentations occidentaux, j’entends aussi préserver mon identité et mon regard africains, conscient comme le rappelle un adage de ses ancêtres que « quel que soit le séjour d’un tronc d’arbre sous l’eau, il ne deviendra jamais caïman ».

© Harandane DICKO, Série: « La moustiquaire », 2005-2008